Incendie de Londres : les tours en bois mort-nées ?

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Fordaq JT
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Ce sera sans doute l'une des dernières mesures prises par le ministre de la Cohésion des territoritoires, Richard Ferrand, avant le remaniement ministériel. Dans dix jours (seulement), lorsque le CSTB aura rédigé son rapport d'évaluation de la sécurité incendie en France, ce rapport sera sans doute remis à un autre ministre et qui sait à un ministère de dénomination plus classique. Tout dépend désormais de la façon dont le CSTB prendra en compte et commentera ou non les évolutions en cours en matière de tours en bois, qui devaient permettre de déroger à la réglementation en procédant précisément à une ingénierie au cas par cas, à l'anglo-saxonne. L'industrie européenne du bois est sur le qui-vive, les rumeurs circulent.

Le bois n'est pour l'heure aucunement incriminé comme matériau de propagation dans le sinistre londonien, et pour cause. Mais ce drame intervient au mauvais moment pour la filière bois. Les architectes ont remis il y a quinze jours à peine leurs projets dans le cadre d'un concours portant sur sept projets de tours encadrés par le PUCA, et dont les résultats seront annoncés dans trois mois lors du congrès Woodrise à Bordeaux. Trois mois qui ne seront pas trop peu pour juger de la faisabilité des projets en matière de réglementation feu, surtout si cette dernière devient fluctuante et qu'elle menace d'être révisée pour des raisons politiques, et dans ce cas sans doute renforcée. Les enjeux techniques étaient déjà bien assez grands comme ça, le drame de Londres ajoute encore une louche.

Les dix jours qui viennent sont décisifs car le CSTB peut ou non remettre en cause toute la démarche des Immeubles à vivre portée par AdivBois, et ce serait un beau gâchis. Quel que soit la teneur du rapport, pour sûr, les projets de tours en bois vont être confrontés de plus belle à la crainte de l'incendie, de la part des élus, des promoteurs. Mais la bonne nouvelle, peut-être, c'est que les recommandations relatives aux façades bois pour des immeubles d'habitation à partir de la troisième famille, jusqu'ici très contestées, vont peut-être constituer une sorte d'accréditation, un gage pour l'avenir, un moyen de préserver la façade bois dans les projets de tours en bois, même s'il semble acquis qu'à partir d'une certaine hauteur, la façade en bois sera de toute façon protégée par un bardage qui ne l'est pas.

La situation est délicate car - heureusement - il n'y a pas eu de sinistre dans l'une des rares tours en bois construites dans le monde. On ne peut pas prouver la non propagation dans des cas concrets. D'un autre côté, la tour londonienne illustre aussi à quel point le béton ne constitue pas en lui-même une garantie contre le désastre. Elle est restée debout mais les habitants sont morts. 

Dans ce contexte, bien sûr, une option est de croiser les doigt et d'attendre que ça se passe. De miser sur le fait que la filière béton, vu le contexte, n'aura pas l'outrecuidance de remettre indirectement en cause les ouvertures qui ont été timidement ménagées pour le bois. De tabler sur la sagesse et l'influence de certains majors qui se sont positionnés pour répondre à ce marché des tours en bois. D'alléguer que les tours en bois représentent en fait une variante des tours hybrides, que Vancouver et le Canada sont en train de devenir le laboratoire de ces tours de demain avec Brock Commons et le dernier projet Terrasse House de Shigeru Ban, que la France risque de passer à côté de cette grande tendance et d'une déclinaison importante de la construction urbaine durable. Enfin, que ce serait vraiment un beau gâchis que toute cette initiative des marchés d'avenir initiée par Arnaud Montebourg fasse effectivement flop après des années d'implication des acteurs de la filière. 

 

 

 

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